jeudi 24 mai 2012

Information à compter du chapitre 9 des aventures de ma chère petite sorcière!

Un peu de news!

Tout d'abord, vous l'aurez remarqué, ma jolie petite sorcière a hérité d'une super bannière!!
On remercie fort fort fort Adeline Dias, qui a mis ses talents à mon service pour habiller un peu ma chère Eiryenn! Merci Merci Merci!!


Ensuite, n'ayant ni le temps ni l'inspiration de faire vire Eiryenn toute seule, j'ai demandé autour de moi si quelqu'un serait intéressé pour co-écrire cette petite saga avec moi.
Koralie s'est présentée spontanément, m'a sorti le chapitre 9 de son chapeau de magicienne, et hop! La magie a opéré tout de suite!

Koralie est une amie lectrice, et Canadienne de surcroît, donc, non seulement elle a l'humour adéquat pour m'aider à poursuivre, mais elle risque fort de vous sortir une ou deux expressions du cru canadien qui pourrait bien rajouter une couche au ton caustique de mon œuvre, désormais notre œuvre, à compter du chapitre 9.

Je laisse Koralie se présenter en quelques mots, et vous pourrez ensuite immédiatement vous régaler du 9ème chapitre, écrit de sa main.

Mon nom est Koralie. Je viens de l'autre côté de l'océan, d'une province qu'on appelle Québec, et plus précisément d'une ville qui se nomme L'Ange Gardien. J'étais donc prédestinée à être un ange... Ou pas. Bref, quand Cali a fait un appel sur Facebook pour trouver une "nouvelle maman" à Eiryenn, le personnage principal de cette histoire, je me suis dit "Pourquoi pas?". J'avais déjà lu cette histoire et j'adorais la naïveté et l'humour qui se dégageait d'Eiryenn. Elle était un peu comme moi : elle cherchait sa place dans ce monde bizarroïde... Je me suis donc lancée dans ce nouveau projet par intérêt pour l'histoire de Cali, mais aussi parce que j'adore les mots depuis que je suis toute petite. J'espère pouvoir vous transmettre cet amour des mots tout en faisant évoluer cette petite sorcière... À bientôt pour d'autres aventures!


On accueille donc Koralie comme il se doit, en levant tous les bras en l'air, et on espère que le petit coup de frais qu'elle va apporter en tant que nouvelle maman d'Eiryenn va m'aider à me remotiver un bon coup! ( Autrement, vous pouvez toujours m'acclamer comme une star de rock, ça pourrait avoir un petit effet aussi :P

A très vite alors, et rendez-vous ci dessous pour le chapitre 9 par Koralie!

Bisous!

Cali

Chapitre 9 - love powaaaa - la sorcière en émoi!

J’avais encore passé une agréable soirée avec Matt et Sylvia. Vraiment, depuis que je lui avais avoué être un genre de « sorcière-extraterrestre-sans-grands-pouvoirs-magiques » balancée sur cette planète parce que j’étais nulle, il ne cessait de m’impressionner. J’avais l’impression d’être à ses yeux la sorcière la plus cool au monde et je me disais souvent, en l’écoutant me poser dix mille questions et s’intéresser à tout ce que je disais, que ma mère se mordrait sûrement les doigts si elle me voyait avec lui. Comment une sorcière qui avait échoué le test de sa vie pouvait-elle attirer autant de sympathie chez un mec aussi canon que Matt? Normalement, cette question m’aurait fait vouloir entrer dans le plancher, mais maintenant, cette pensée me faisait sourire béatement… Eiryenn 1, le monde magique, 0.

En effet, plus le temps passait, plus je me sentais « normale ». Je ne comprenais pas encore tout du monde humain, et selon Sylvia, les gens étaient tellement zarbis que je ne comprendrais sûrement rien à moins de développer le pouvoir de supra-connaissance humaine, mais j’avais découvert un monde qui n’avait rien de la planète « grise » dont on me parlait quand j’étais enfant et qui devait être selon mes ancêtres le pire endroit de l’univers. D’ailleurs, ma rencontre avec Anabelle, la vieille veuve adorable, m’avait ouvert les yeux sur la plus belle chose qui puisse exister : le pouvoir de l’amour… Est-ce qu’une sorcière humaine d’adoption pouvait rêver à ça sans risquer de frapper un mur? Je l’espérais secrètement… Et je savais même avec qui je voulais que cela se passe!

Lors de la soirée post-voyance (soirée assez arrosée d’ailleurs – Sylvia voulait fêter notre nouveau partenariat d’affaires), j’avais raconté à Matt l’histoire du foulard de soie et le sourire de la dame, qui valait, selon moi, plus que tout au monde. Matt, fidèle à lui-même, a été impressionné.

« J’aimerais bien que tu me montres ce que ça donne, un jour », avait-il dit, sur le ton surexcité d’un enfant qui vient de recevoir une cape de super héros.

Bien entendu, j’avais accepté. Je me voyais mal refuser cela à mon nouvel ami et puis, sérieusement, qui serait capable de dire non à ces yeux-là! Hein?!

Me voici donc en train d’essayer de faire bouger des ustensiles, sous les « Oh! » et les « Ah! » de Matt et les regards amusés de Sylvia. À eux deux, ils faisaient un excellent public. Mais je sentais bien que Sylvia se sentait un peu de trop, quand même, et je me sentais mal envers ma coloc-associée-amie-tout-ça. Bref. Après avoir fait la démonstration de mes maigres pouvoirs et avoir arraché quelques applaudissements à Matt, nous sommes passés au dessert et Matt m’a demandé si je voulais sortir faire un tour. Ma première sortie nocturne en terre humaine! Après avoir consulté Sylvia du regard, genre « Ça va? J’suis assez belle pour sortir? J’ai rien entre les dents? Pas de bouton machiavélique? », elle m’a rassurée d’un sourire. J’ai regretté qu’elle ne soit pas invitée, aussi ai-je voulu lui proposer de venir avec nous, mais elle a prétexté avoir à ranger la salle de voyance et nous a souhaité une bonne soirée en me faisant un clin d’œil entendu. Par la suite, je me suis rendue compte que dans le fond, j'essayais seulement d'éviter que notre sortie ressemble à un rencard…
Mais bon, il est trop tard pour reculer maintenant, nous sommess déjà en route vers ce que Matt appelle une boîte de nuit. Un endroit hyper branché, selon lui. Mais quelle curieuse idée de sortir pour aller s’enfermer dans une boîte, quand même! Sont fous, ces humains!

Nous sommes arrivés devant un bâtiment où les gens font la file. À l’intérieur, une curieuse musique semblable à ce que Sylvia écoute parfois pour se défouler retentit. Je ne comprends pas vraiment ce qu’on attend pour entrer, surtout que la nuit est fraîche… Mais Matt est là, tout souriant, et je le suis sans trop me poser de questions. Il m’expliquera sûrement ce qu’il y a à savoir en temps et lieux, non?

La file diminueet nous nous retrouvons devant un homme assez costaud, grand, qui à la limite pourrait foutre la trouille.
« Votre carte, mademoiselle? », me demande l’homme, tout en me lançant un regard inquisiteur.
De quelle carte il parle, celui-là? Je regarde Matt. Ohoh! Je crois qu’il n’avait pas prévu ça… Ça ne sent pas bon. Pas bon du tout!
« Elle a trente ans, franchement! On n’a pas besoin de se faire carter à cet âge-là, hein mon vieux? Puis, elle est avec moi! », s’écrie-t-il, l’air mi-outré, mi-fier.

L’homme me regarde maintenant de bas en haut, puis fait un signe curieux à Matt avant de nous laisser passer.

« Fiou! », dit Matt. « Heureusement que je suis VIP ici! Leçon numéro 1 : Avoir l’air jeune c’est pas trop bon quand tu sors danser, ici! Puis je n’avais pas pensé aux cartes d’identité. Vous n’avez sûrement pas ça sur votre planète…»

En l’entendant, je fais une grimace. Il m’a fait un compliment en disant que j’ai l’air jeune, mais j’aurais préféré qu’il me dise que je suis jolie, ou à la rigueur « trop canon! »…. Mais bon, c’est lui, l’humain, il doit avoir raison. J’ai l’air jeune. Et il me faudrait une carte d’identité. Mais pourquoi faire? Je ne sais pas trop.

Puis, danser, moi? Je ne suis pas certaine qu’il aimerait que je lui fasse une démonstration des danses traditionnelles de chez-nous dans cette « boîte de nuit ». La honte assurée! Et danser avec lui… Ouf! Juste à y penser, j’ai chaud! Heureusement, on s’assoit à une table et une jeune femme vient prendre nos commandes.

- DIX SHOOTERS!, hurle Matt. La serveuse opine. Elle doit être habituée de se faire crier par la tête des commandes de « Shooters ». La musique est tellement forte qu’on ne s’entend pas penser.
La jeune femme revient avec un plateau de verres miniatures contenant une mixture qui ressemble à de la bave de crapaud. Je regarde Matt d’un air à la fois amusé et dégoûté.

« Tu veux que je bois ÇA? », articulè-je en pointant le plateau.
Matt hoche la tête avec un petit sourire.

« C’est ton initiation! », répond-il. « Deux d’un coup! »

Orgueilleuse et ne voulant surtout pas décevoir celui qui voulait être mon « mentor », je m’attèle donc à la tâche. Ouf! C’est pas de la piquette ce truc! Arrrgh, ça brûle même un peu! Matt en boit aussi, en riant un peu de mon air ébahi. Dans un élan de générosité, il offre le reste du plateau à la table d’à côté, ce qui ne me dérange pas, finalement.

La musique rythmée laisse place à un truc plus lent, plus calme, plus mélodique. Ce genre de musique me rappelle plus chez-moi, et je ferme les yeux un instant, nostalgique.

« Tu veux danser? », me demande mon ami.
Et sans vraiment attendre de réponse, il me prend la main et m’attire vers la piste de danse. Quelques couples dansent, collés. Matt m’attire également contre lui, tout en gardant une attitude de gentleman. Ne sachant pas trop quoi faire de plus, je me laisse donc guider au son de la musique.

- Je suis contente d’être venue, je dis, spontanément.
- Moi aussi, répond Matt.
- Désolée si je te pile sur les pieds… Je n’ai pas vraiment l’habitude de danser ce genre de… comment vous appelez ça?
- Un « slow ».
Un slow… C’est le pire mot de l’humanité pour décrire un moment aussi magique, selon moi. Mais peu m’importe. J’aurais voulu que ce moment dure une éternité. Il ne manque qu’un baiser pour ajouter à la magie. Mais à peine ai-je le temps de rêver à ses lèvres sur les miennes qu’une fille vient poser sa main sur l’épaule de Matt.

« Matt! Je ne pensais pas te voir ici ce soir! », dit-elle, d’une voix incroyablement aiguë.

Cette fille, que je déteste déjà, est rousse (comme une mauvaise sorcière au nez crochu!), grande et a de grands yeux verts. Cette fille, comme Sylvia me l’apprendrait plus tard, est l’Ex de Matt. Ma nouvelle ennemie. Celle qui me donne envie de travailler mes pouvoirs au MAXIMUM pour pouvoir la faire disparaître de ma vie. De NOS vies.

mardi 13 mars 2012

Chapitre 8 - une séance révélatrice!

Chers lecteurs, cela fait bien longtemps que je vous ai abandonnés et laissés sur votre faim dans l'histoire tumultueuse d'Eiryenn.
Allez savoir pourquoi, aujourd'hui, plus ou moins 2 ans après, j'ai eu envie d'écrire un nouveau chapitre. Et comme vous me l'avez fait savoir, vous aviez l'air d'avoir envie de le lire.
Je vous le livre donc. Je ne vous fait aucune promesse sur la suite, encore moins sur la régularité de cette suite éventuelle, mais vous voyez, rien n'est jamais perdu ;)


Voici donc le chapitre 8 d'Eiryenn: Une séance révélatrice!




Ce matin, j'ai envie de me fondre dans le décor, ambiance voyance et boules de cristal au programme!
Tout à l'heure, je dois assister à une séance avec Sylvia, elle reçoit un jeune couple qui cherche à connaitre son avenir.
Comment doit s'habiller l'assistante d'une voyante qui en fait déjà des tonnes?!

Purée, j'ai rien à me mettre pour ce genre d'occase moi!
Et Sylvia qui dort toujours! Je vais aller fouiner dans son placard, on ne fait pas tout à fait la même taille, mais vu qu'elle ne porte que du ample, du froufroutant et du "bohème" comme elle dit, ça ne se verra pas si c'est trop grand.

A midi, quand Sylvia se réveille enfin, je suis fin prête. Du jupon et du voile, dans un joli camaïeu de bleu et de violet, du bijou qui étincelle de fausseté, du maquillage à outrance. Sylvia sort de sa chambre en chemise de nuit de dentelle, l'œil hagard et la mine pâlichonne. Je l'attends de pied ferme, son café fumant dans un bol en face de moi.
Elle s'installe sans un mot, avale quelques gorgées, tout en me regardant, et, une fois que le précieux liquide noir est passé, me dit:

- Hé ben dis donc, t'en as une dégaine, on dirait la mienne! en me lançant un clin d'œil.
- Ben j'avais peur de faire un peu tâche en jean basket.
- Tu as bien fait. D'ailleurs, je vais aller me préparer aussi, ils seront là dans moins d'une heure.
- Je peux aller tout de suite dans la salle? Histoire de pas avoir l'air surprise par le décor?
- fais comme chez toi chère assistante.

Le temps qu'elle file se préparer, je m'introduis dans la petite pièce sombre. Au milieu, une toute petite table, genre guéridon, recouverte d'une minuscule nappe pourpre et encerclée par 4 sièges monumentaux. Sur un petit meuble à côté, tous les accessoires de la parfaite voyante. Boule de cristal, jeu de tarot, tasses à café, encensoirs. Elle est équipée la bougresse! Quand on pense que c'est tout du flan! pfiouhhhh!
Donc cet après midi, je crois qu'en plus du couple à qui elle doit dire l'avenir, nous avons également une vieille dame qui cherche à communiquer avec son défunt mari. Sylvia a en effet élargi ses activités face à la demande de ses clients.
Je dois dire que la deuxième séance me file un peu les boules, rapport à ce que Syl m'a déjà raconté sur le sujet. Elle SAIT qu'elle ne fait que jouer la comédie, et pourtant, à plusieurs reprises, elle s'est elle-même demandé s'il n'y avait pas vraiment quelqu'un lors de certaines séances de spiritisme.

Je m'assois délicatement sur l'un des grands fauteuils en osier, les fesses bien calées, et tente de m’imprégner de l'ambiance. Respirant fortement les fragrances épicées des encens et des huiles essentielles, écoutant l'apaisant clapotis de la petite fontaine décorative japonaise que j'aperçois dans un coin, j'essaie de me mettre en condition.
De loin, j'entends les portes claquer dans l'appartement, et les pas précipités de Sylvia qui tente de se préparer dans les temps.
Quand la sonnerie de la porte retentit, mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Sylvia ne m'a encore rien expliqué, je ne sais pas ce que je dois faire, et j'ignore si elle sera bientôt prête.
Prenant mon courage à deux mains, je décide d'aller ouvrir, après tout, ça ne doit pas être choquant de la part d'une assistante qu'elle vienne vous ouvrir la porte?

Je me faufile donc tant bien que mal ( la pièce est vraiment très exigüe, et très encombrée de tout un fatras aussi moche que probablement inutile) jusqu'à la petit porte qui donne sur l'arrière de l'appartement, dans la petite ruelle, c'est par là qu'arrivent les clients de Sylvia. Ben oui, la porte d'entrée ne devait pas faire assez "ésotérique" je suppose.
Je prends une petite aspiration pour me donner du courage, et j'ouvre la porte sur deux personnes vraiment charmantes. La petite trentaine tous les deux, ils arborent un joli sourire détendu, et un visage accueillant.
Me rendant subitement compte que c'est moi qui suis censée avoir l'air accueillant, j'étale mon sourire le plus avenant sur ma figure, et leur cède le passage avec de grands moulinets des bras, cherchant la phrase d'accueil la plus adaptée possible.

- Bien le bonjour, Madame et Monsieur. Votre avenir vous attend dans quelques minutes, dès que dame Sylvia aura terminé sa séance de recueillement.
Puis, prenant un air de conspiratrice, je leur chuchote
- Oui, vous comprenez, elle a besoin de toute sa concentration avant une séance, car c'est quelque chose de très éprouvant pour un médium.

Les deux hochent la tête d'un air entendu, et s'installent dans les fauteuils sur mon invitation.
Le silence me parait assourdissant tellement j'ignore comment le meubler.

Après quelques minutes à se regarder en chiens de faïence, je finis par craquer et leur proposer un rafraichissement. Soulagés, ils acceptent avec beaucoup d'enthousiasme une tasse de café. Je quitte silencieusement la pièce, et, sitôt la porte refermée, me mets à courir comme une dératée pour essayer de trouver Sylvia. Je la trouve dans la salle de bain, occupée à parfaire son maquillage.
- Mais viens!! Ils sont là depuis 15 minutes déjà! Qu'est-ce que je suis censée faire? Qu'est-ce que je suis censée dire?
- Ah mais, t'inquiète pas chérie! Ajouter du mystère à la situation ne peut être que profitable!
Et elle me passe devant en froufroutant de la jupe, avec un petit clin d’œil à mon intention.
Je la suis maladroitement et, pas garce, l'informe tout de même qu'on est supposé arriver avec du café. Sylvia s'empresse de préparer une pleine cafetière, et emporte le précieux liquide, ainsi qu'un service datant surement de l'ère préhistorique, sur un plateau d'argent, aussi à l'aise qu'un poisson dans l'eau.

Surgissant dans la petite pièce obscure de façon très théâtrale, elle lance
- Très chers amis, vous êtes venus aujourd'hui faire appel aux incroyables dons de médium de Sylvia! Sylvia est prête désormais à vous révéler tout ce qu'elle sera en mesure de découvrir! ( vous remarquerez qu'elle ne dit pas:" toute la vérité sur votre avenir", arnaqueuse ok, mais pas menteuse!)

Les préoccupations du jeune couple étaient en fait assez ennuyeuses, ils voulaient savoir quand madame tomberait enfin enceinte, quand monsieur aurait enfin sa promotion, et s'ils vieilliraient ensemble dans une belle maison.
En quelques claquements de langue, et un peu de chiromancie, Sylvia a expédié tout ça vite fait bien fait.
Et c'est fort heureux car le rendez-vous suivant est arrivé très en avance, et que je l'aurais eu un peu mauvaise de faire poireauter la petite vieille dans la ruelle morbide de derrière.

Une vieille dame succède donc aux tourtereaux, dans cette petite salle angoissante, très sombre, dont quelques recoins échappent à peine à l'obscurité grâce aux quelques bougies disséminées de ci de là.
Et, de sa petite voix tremblotante, elle nous réexplique ce qu'elle nous a déjà dit au téléphone, à savoir que son cher mari est décédé il y a peu, et qu'ils s'étaient toujours promis qu'une fois l'un des deux trépassé, ils feraient l'un et l'autre tout ce qui était en leur pouvoir pour tenter d'établir une communication.
Cela faisait désormais quelques semaines, et la pauvre dame n'avait eu aucun signe probant depuis l'au-delà. Elle tentait donc, par l’intermédiaire de Sylvia, de mettre en place le réseau de communication qui lui permettrait éventuellement de reprendre le contact.
Sylvia semble touchée par son histoire, et je la sens sur le point de tout annuler, elle ne doit pas avoir la force d'escroquer cette pauvre vieille dame. Je l'imagine déjà repartant d'ici, penaude, désespérée, éplorée à l'idée de ne plus jamais pouvoir parler avec son mari.
Je prends donc, bien cavalièrement, les choses en main.
- Bien sur madame! Comme votre histoire est touchante! Sylvia et moi même allons nous faire un plaisir, et un devoir, de vous aider dans votre démarche! (mais qu'est-ce qui me prend moi?)
Le regard ahuri de Sylvia me fait me demander si je n'aurais pas mieux fait de fermer mon clapet!
Mais la petite vieille affiche maintenant un sourire éclatant de bonheur et d'impatience, et nous ne pouvons plus reculer.

La séance de spiritisme se met donc en place, mais je sens d'ici les réticences de Sylvia. Les minutes s'écoulent et rien ne se passe. Elle est en train de refuser de faire son habituelle mise en scène, choquée à l'idée de laisser croire à cette pauvre dame que son mari est là, parmi nous, quand il n'en est rien.
Les yeux ouverts et le regard fixé sur la cliente, j'ai le cœur brisé en découvrant son visage si rayonnant quelques instants auparavant, se décomposer au fur et à mesure du temps qui passe sans qu'aucun signe d'une mise en contact n'apparaisse.
Incapable de décevoir cette gentille mamie, j'interviens à nouveau.
- Charles! Charles, si tu m'entends viens nous rejoindre! Anabelle est là qui t'attend! Anabelle a besoin que tu lui montres que la mort ne vous a pas séparés!

Cette fois, Sylvia n'est plus ahurie. Elle a carrément la mâchoire qui tombe par terre. Je ne sais pas trop moi même dans quoi j'ai mis les pieds, mais je prends le parti d'aller jusqu'au bout pour rendre son sourire à la petite grand mère qui a touché mon cœur.
Je hausse donc la voix.
- Charles! Fais nous un signe!
Dans la précipitation, je ne m'étais pas assurée d'avoir d'objet suffisamment léger à faire bouger. Je parcours rapidement la salle des yeux, vérifiant au passage que ceux de ma cliente sont toujours solidement fermés. La boule de cristal? Carrément trop lourd, ça ne marchera jamais. Le guéridon? Pareil. Les bougies? L'encens? Un peu dangereux à manipuler, surtout avec ma légendaire maladresse! Alors quoi, merde?
Soudain, une illumination. La cliente a accroché, avec son manteau, un foulard de soie à la patère juste au dessus d'elle.
Je le décroche mentalement et le laisse retomber dans l'air. Il entame une descente tout en douceur, frôle le visage de la dame, et viens caresser délicatement ses mains qu'elle tient serrées sur ses petits genoux fragiles, lui provoquant un hoquet de surprise ( mais elle maintient les paupières bien closes) et termine sa chute délicate au sol dans un léger bruissement à peine audible.
Sylvia la contemple, hagarde, se demandant quelle va être la suite des évènements.
Je suis moi même plutôt inquiète car je n'ai absolument rien prévu, et ignore ce que je pourrais faire d'autre...
Et soudain, comme une perle de pluie sur une feuille délicate, une larme se met à rouler sur la joue d'Anabelle. Pas un gros sanglot non, juste une petite larme, d'émotion, toute seule, laissant une trainée humide derrière elle sur sa peau parcheminée, et finissant sa course au creux de son cou ridé.
- Mon dieu! Vous l'avez senti?
Anabelle ouvre les yeux et son sourire est la plus douce récompense que j'aie jamais reçue.
- Vous avez senti ça? Il m'a caressé la joue! Il m'a tenu les mains! Je l'ai senti!

Sylvia n'est pas tout à fait en colère, mais n'est pas franchement contente non plus. Je sens qu'on va devoir parler de tout cela, mais pour l'heure, le bonheur de la cliente fait chaud au cœur. Elle nous informe qu'elle pense que ce lien crée aujourd'hui suffira peut-être à avoir établi le contact, et que son mari parviendra peut-être mieux désormais à la visiter, mais que si tel n'était pas le cas, elle n'hésiterait pas à revenir voir "la grande Sylvia et sa gentille assistante" pour avoir l'immense bonheur de ressentir à nouveau l'homme qu'elle aime.

La porte se referme et un silence de mort s'installe. Sylvia est toujours dans son fauteuil, un coude sur l'accoudoir, l'arrête du nez pincé entre deux de ses doigts. Une petite ride s'est formée entre ses sourcils, et je commence sérieusement à m'inquiéter des conséquences de ce que je viens de faire. Comme d'habitude, je n'ai pas réfléchi avant d'agir, c'est ce que m'a toujours reproché ma mère, et je n'ai aucune idée de la gravité de ce que je viens de déclencher.

Sylvia me demande, sans ouvrir les yeux, pourquoi j'ai fait ça.
Apparemment ma réponse va être déterminante.
- Elle m'a fait de la peine la mémé.
- ...
- J'aurais pas du?
- En tout cas, moi, je n'aurais pas osé. On vient d'arnaquer une petite vieille de 80 piges.
- C'était pas pour l'arnaquer Sylvia, regarde comme elle était heureuse!
- Je sais pourquoi tu l'as fait. Mais ça ne change rien que, devant un juge, on l'aura arnaquée.
- Ben y a plus qu'à s'efforcer de pas aller devant le juge...
- Wé. Tu vas rester avec moi. Tu es ma nouvelle assistante à temps plein. Je n'avais pas réalisé que ton petit pouvoir pourri pouvait servir à quelque chose, finalement.
- Je serai payée?
- Tu seras nourrie, logée, blanchie, et assurée de pas te faire fiche à la porte au moindre caprice. Faudra t'en contenter!
- C'est nul, à part pour les caprices, j'avais déjà tout ça.

Sylvia sourit discrètement et se lève, prête à aller se changer.
- Ca te dit que j'appelle Matt pour boire un verre ce soir?
- Ah oui! je réponds précipitamment. (Trop?)
Le sourire de requin de ma colloc s'élargit. Elle a l'air fière d'elle.